Dans sa majeure partie le territoire appartenait soit à des communes (biens collectifs), soit à des propriétaires privés (biens indivis) qui, pour la plupart, les géraient à distance. L’été, les pâturages, les landes et l’herbe des pré-bois nourrissaient les troupeaux qui passaient l’hiver dans les garrigues languedociennes.
Certaines de ces hautes terres, plates et bien exposées, étaient cultivées. Les bâtiments des grands domaines étaient situés au milieu des terres labourées par un fermier. Les habitants les plus pauvres des communes qui possédaient des biens collectifs avaient le droit d’y pratiquer temporairement des défriches, d’y bénéficier de la fumure des troupeaux et d’y récolter du grain.
Liste (non exhaustive) des grands domaines de l’Aigoual et du Lingas:
- Commune de Bassurels: Aire de Côte, Rieurès, Sext, Fons, Le Marquairès, Le Caumel
- Commune de Meyrueis: Le Crouzet, Conillergues, Valbelle, Campredon
- Commune de Lanuéjols: La Foux, Pradines
- Commune de Trèves: Canayère
- Commune de Saint-Sauveur-des-Pourcils: Coupiac, Saint-Sauveur, Dombras, La Boissière
- Commune de Dourbies: Fabret, La Borie du Pont, Pradals, Le Boultou, La Paloterie, Les Grandesc, Les Gardies, Mas Ramel, Le Devès, Le Lingas, Les Pises, Prat-Long, Le Pradarel, Valgarnide, Le Pradinas, Les Pises, Pueylong
- Commune d’Alzon: Cazebonne, Lagabrie, Les Egals
- Commune d’Arrigas: Le Garrel, Bonnels
- Commune d’Aumessas: Montlouviers, Rachepos, Barrauber, Cabanis, Massebiau, Le Crouzet, Campatour, Les Molières
- Commune de Bréau: Le Minier, Puéchagut, La Broue, Les Cartayrades
- Commune d’Arphy: Montals, Grimal, Ginestous
- Commune de Valleraugue: Bonheur
Hameaux et fermes isolés s’installaient à l’abri du vent, dans le creux d’un vallon orienté au sud, près d’un ruisseau ou d’un point d’eau, à proximité des zones cultivables.
Ces habitats transformaient l’aspect du paysage immédiat avec, tout autour, les terres cultivées enrichies par les nuits de fumature, plus loin le bois et les pâturages, les terrasses, les traversiers, les canaux d’irrigation, les retenues d’eau sur les ruisseaux pentus, les bassins, les enclos de pierres, les bergeries, les paillers, les vergers et potagers, tout témoigne d’une minutieuse mise en valeur du terroir.
L’enneigement durait parfois plusieurs mois et cela nécessitait des demeures aux murs imposants, en blocs de granite plus ou moins dégrossis.
Les bâtiments sont généralement bas, rarement plus de deux étages, et allongés; habitation, étable, grange communiquent souvent de l’intérieur, afin d’éviter de sortir pendant l’hiver. Souvent un second bâtiment se greffe perpendiculairement et délimite ainsi une cour intérieure ouverte.
Le matériau est là, à portée de main. Le granite est une roche cristalline, lourde, dure, difficile à manipuler. Les formes et proportions des bâtiments témoignent de ses caractères propres: les murs sont composés d’une imbrication de blocs, à peine retaillés, inégaux, mais si habilement agencés qu’ils forment des murs très épais, aux pierres d’angle énormes, et percés de minuscules ouvertures.
Les pierres d’angle, les linteaux et les encadrements de portes et fenêtres sont en pierre de taille, aux angles adoucis par le grain grossier du granite.
Les grands arcs cintrés des porches des granges sont composés de quelques pierres taillées, symétriques et toujours massives.
Les façades n’étaient jamais crépies: granite rose ou gris, la pierre se couvre de lichens dorés. Sur le linteau des portes ou les pierres d’encadrement, on lit souvent une date, un signe, une lettre, un chiffre, la marque de l’artisan qui a construit.
Du rebord du toit de grandes dalles s’avancent, protégeant la façade de la pluie, servant aussi à fixer la couverture de chaume de seigle (granges des Laupiettes, de la Borie du Pont).
Le chaume fut peu à peu remplacé par des ardoises ou des lauzes de schiste ou de calcaire. L’intérieur était dallé de granite ou en terre battue pour les humbles chaumières.
On entre de plain-pied dans la salle commune: la cheminée occupe toute la largeur du pignon, une voûte de granite soutient le manteau, sur le côté s’ouvre le four qui donne un renflement au dehors.
À l’extérieur, l’auge de pierre sert d’abreuvoir pour les bêtes.
Une aire de battage pour les céréales, également dallée de granite, est entourée par un petit muret dont le dessus incliné permet d’y déposer les gerbes et d’éviter ainsi que le grain ne soit projeté au-delà (Ferme de la Boissière).
Collectives ou privées, ces grandes propriétés des hautes terres constitueront les premiers terrains achetés par l’administration forestière à la fin du XIXe siècle.